Pensez-vous que l’ESS est une solution d’avenir dans le monde du travail ?
Jean de Balathier : « Depuis la loi Hamon de 2014, l’ESS a évolué avec le statut ESUS (Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale). Cette loi a en effet ouvert l’ESS à d’autres acteurs : des sociétés commerciales qui peuvent dorénavant être qualifiées d’entreprises de l’ESS car elles ont une utilité sociale. Or, aujourd’hui, les acteurs de l’ESS doivent faire face à un bouleversement de la société. Le mouvement de l’ESS se développe de plus en plus, ce qui est une bonne chose, mais parallèlement, un projet de loi, appelé la loi « Pacte », risque de remettre en cause les coopératives dans ce qu’elles ont de particulier. Le gouvernement souhaite mettre en place, sur le modèle de business corporatif américain, des statuts d’entreprise à mission, dont le profit ne serait plus le seul but. Nous sommes donc inquiets vis-à-vis de la banalisation du statut des entreprises sociales et solidaires, qui risque d’effacer les limites entre le marketing et les valeurs réelles. Ce projet de loi, c’est toute une remise en cause des valeurs de l’ESS. C’est une déconstruction du statut coopératif, car contrairement aux entreprises commerciales, une coopérative n’a pas de relation commerciale avec ses producteurs. S’il n’y a plus de différence de statut qui nous protège un minimum, alors cela pourrait conduire à une disparition des coopératives. Sur ce dernier point, et par rapport aux dernières actualités qui ont secoué le monde de la coopération (notamment l’enquête de « Cash investigation » sur Sodiaal), Coop de France a lancé une démarche au SIA : « Coopérer pour le bien commun ». Afin de retrouver la confiance des consommateurs et producteurs, nous avons lancé une grande consultation auprès des 350 000 agriculteurs coopérateurs et les 150 000 salariés des coopératives agricoles afin de faire émerger des propositions nouvelles pour que les coopératives soient de nouveau bien perçues et bien transparentes. Pour envisager un avenir, il faut que nous réinventions des fonctionnements pour faire vivre les valeurs de l’ESS. »